Brumeterre 2 - La Soumise : 1ers chapitres offerts !
Brumeterre 2 - La Soumise : 1ers chapitres offerts !
Mes Yeux transpercent le voile du temps.
Aussitôt, je les referme. Tant d’horreurs d’un seul coup, c’est insoutenable !
Je me force à les rouvrir. Il faut que je Vois. Trop de vies en dépendent pour laisser mes sentiments s’exprimer. Je dois endurcir mon cœur et mon âme face à l’abjecte Vision qui m’attend.
Une femme hurle tandis qu’elle brûle sur un immense bûcher. Son cri se réverbère, envahit l’espace, se mêle à l’écho d’une infinité de ses semblables.
Toutes condamnées par des fous qui les accusent d’être des monstres.
Toutes dévorées vivantes par les flammes qui rongent leurs chairs martyrisées, bleuies par les tortures, souillées par leurs tortionnaires à la perversion sans limite.
Mes larmes invisibles troublent ma perception tandis que je m’oblige à avancer sur la trame fluctuante de la Tapisserie du Destin.
Plus loin… Déjà trop loin…
D’autres hommes aux visages déformés par la haine et la cruauté arrachent leurs ailes à de minuscules fées avant de les réduire en bouillie sous leurs talons rageurs.
Éventrent une licorne, noble symbole d’innocence, et brandissent sa corne tranchée en des gestes obscènes pendant que ses entrailles se répandent sur le sol.
Percent de traits embrasés la fourrure palpitante de chats noirs dont ils sont l’unique malheur.
Démembrent des lutins et des farfadets dont la chanson s’est depuis longtemps noyée dans le sang.
Décapitent des métamorphes et plantent leurs têtes bestiales sur des pieux comme autant de trophées macabres.
Violent des mères devant leurs enfants et des enfants devant leur mère, en riant abjectement de la souffrance intime qu’ils leur infligent jusqu’à la mort.
Je n’ai pas de corps mais je tremble.
Je n’ai pas de poings mais je les serre de toute la force de mon impuissance.
Je n’ai pas de bouche mais ma fureur horrifiée fait vibrer le non-espace qui m’entoure.
Je ne dois pas hésiter. Pas m’arrêter.
Même si je sais que là-bas, au centre de cet univers d’exactions, de crimes et de douleurs incommensurables, le pire est encore à venir.
La noirceur est de plus en plus épaisse, gluante, visqueuse. Mon effort devient surhumain tandis que je pénètre l’entrelacement inhumain qui pulse d’un mal absolu.
La folie meurtrière atteint son apogée. Ce ne sont plus des individus qui s’en prennent à d’autres. Ce ne sont même plus des groupes qui s’acharnent sur un seul.
C’est le règne de la férocité la plus pure. Si intense qu’elle menace mon équilibre mental.
Ma résolution fléchit brièvement, puis je repousse fermement cette tentation. Je ne peux pas me permettre le luxe de devenir folle pour oublier ces ignominies qui n’en finissent pas de s’étendre à perte de Vue.
Des pères qui brutalisent leurs enfants à grands coups de reins innommables.
Des mères qui dévorent leur nouveau-né encore relié à leur matrice par leur fragile cordon.
Partout dans l’immensité de notre futur, des corps déchiquetés par des armes, des ongles, des dents…
En un instant, plus rien !
Ma Vision s’est achevée après être allée jusqu’au bout d’elle-même. Jusqu’au bout de l’enfer.
* * * * *
Charicia porta une main à son front. Cette fois, elle tremblait véritablement. Elle tituba, prête à s’effondrer sur le pavage de mosaïque où gisaient déjà les oracles les plus faibles, après avoir perdu conscience dans le déchaînement de concentration de ce Cercle hors normes que leur maîtresse avait convoqué.
Les plus tenaces tournèrent vers elle leurs regards épuisés et tentèrent de l’interroger malgré leur essoufflement. L’un d’eux était allé si loin que du sang perlait de ses yeux aux reflets d’or et que la sueur plaquait sur son crâne ses boucles blanches habituellement folâtres.
— Alors, as-tu pu Voir ce que cache ce puissant vortex enténébré ?
— Avons-nous été assez forts pour te soutenir, Grande Prêtresse ?
— Oui, mes amis. Grâce à vous, ma Vision a été complète. Pour le moment, je vous en prie, reposez-vous. Nous en parlerons plus tard.
— Bonne idée, du repos…
— Oui, du repos, enfin…
Soudain, un bruit étrange attira l’attention de Charicia, en provenance d’un coin de la pièce, derrière une rangée d’amphores.
Elle la contourna et découvrit, pas vraiment surprise, son fils de trois ans qui pleurait le plus silencieusement possible, mais sans pouvoir retenir tous les gros sanglots qui le secouaient. Il avait dû se glisser là pour espionner, au lieu d’aller se coucher comme elle le lui avait demandé. Il était si curieux de tout ce que faisait sa mère adorée !
Elle s’assit en tailleur près du garçonnet et le serra dans ses bras pour le bercer et le rassurer. Elle retint un sursaut. La lueur dansante des lampes à huile ne lui parvenait que faiblement, mais pourtant… Cette petite mèche, là, dans la chevelure d’ébène du bambin… N’était-elle pas devenue aussi blanche que le marbre le plus pur ? Si ce n’était pas une illusion d’optique, c’était révélateur d’un pouvoir vraiment très précoce, même pour les membres de leur lignée.
À cet instant, l’esprit rationnel de la Grande Prêtresse céda la place à l’inquiétude de la mère aimante.
Non, je dois me tromper ou mal voir, à cause de mes yeux qui brûlent de fatigue. Sans doute a-t-il simplement pris peur en entendant certains de mes disciples crier et en les voyant tomber sans connaissance ! Comment se pourrait-il qu’il ait partagé ma divination ? Il est encore si jeune pour porter le fardeau de toutes ces terribles Visions que recèle notre sombre avenir… Allons ! Au lieu de m’interroger en vain, je ferais mieux de lui poser directement la question. Je dois en avoir le cœur net. C’est essentiel pour SON avenir.
— Dis-moi, Tirésias, est-ce que tu as Vu toutes ces choses horribles ?
— Oui, Maman. C’était tellement affreux, tous ces gens et toutes ces créatures magiques qui criaient et qui se faisaient tuer par ces méchants hommes et ces méchantes femmes !
— C’est vrai, mon chéri, mais ne t’en fais pas. Regarde autour de toi : tout cela a disparu, maintenant. C’était une sorte de rêve spécial. On appelle ça la Vision oraculaire. C’est un aperçu d’un avenir potentiel dans la vaste trame de nos destins entremêlés. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire, mais ne t’inquiète pas si ce n’est pas le cas. Je vais t’apprendre à maîtriser ce don qui existe depuis toujours dans notre famille.
L’enfant hocha gravement la tête en signe d’assentiment.
— D’accord, tu vas m’apprendre à Voir ces rêves bizarres de quand on ne dort pas.
— C’est exactement ça. Tu as très bien compris, comme d’habitude. Je suis tellement fière de toi, mon petit garçon si intelligent !
Elle l’embrassa, puis entreprit de lui sécher doucement les joues avec un repli de sa longue tunique élégamment plissée. Ses pleurs abondants n’étaient qu’un bien faible tribut à payer, par rapport à ce qu’il avait Vu à son âge…
Elle frémit en pensant à l’effroi qui aurait pu altérer sa raison encore immature. Heureusement, il semblait indemne, maintenant que la situation était redevenue normale.
Justement, il levait vers elle une frimousse interrogative. La curiosité, c’était un très bon signe.
— Maman ?
— Oui, Tirésias, qu’y a-t-il ?
— Ça veut dire que c’est fini, toutes ces choses horribles ?
Charicia finit de lui essuyer ses larmes et lui adressa un sourire triste.
Jamais elle ne mentait, même quand la vérité était difficile à entendre. Telle était sa mission de Reine des Oracles, mais en ces heures sombres, ce fardeau lui paraissait particulièrement lourd à porter.
— Hélas non, mon petit cœur. Cela ne fait que commencer.
Chapitre 1 : La femme aux cheveux de feu
Le carillon en bois de la porte tintinnabula agréablement aux oreilles du vieil homme assis derrière le comptoir. Cela faisait bientôt trente ans qu’il s’était installé dans cette boutique, mais c’était toujours un son qui lui réchauffait le cœur : la promesse d’une nouvelle vente.
Il leva les yeux vers le client potentiel, son sourire commercial déjà aux lèvres. En l’occurrence, c’était une cliente, qui répondit machinalement à son bonjour avant de jeter un coup d’œil au contenu de la boutique et de se plonger dans l’étude attentive d’une vitrine pleine de bijoux plus ou moins symboliques. Une touriste, certainement, avec son chapeau de paille et ses lunettes de soleil. « Très bien », se dit le commerçant en se frottant mentalement les mains. « Un joli bijou pour une jolie femme, et un joli bénéfice pour moi ! »
Il retourna son attention vers le couple qui était déjà dans les lieux depuis une dizaine de minutes. Il semblait très intéressé par une pile de livres judicieusement exposée sur une table ancienne aux pieds ouvragés, en plein milieu de la pièce. C’était l’un des ouvrages les plus vendus, ce qui lui valait le droit d’échapper aux rayonnages anonymes de la bibliothèque qui occupait le mur du fond et croulait sous les titres souvent mystérieux des livres ésotériques dont elle supportait vaillamment le poids.
Oh, il n’y avait pas grand-chose de réellement magique dans le contenu de ce bouquin, pourtant intitulé pompeusement « Guide occulte de l’amour pour pratiquants débutants – Renforcez la magie de votre couple avec plus de 50 recettes incluses ! » Son auteur avait toutefois un don bien réel : celui de transformer les craintes et les manques de ses contemporains en espèces sonnantes et trébuchantes. Le plus remarquable, c’est que ses conseils fonctionnaient vraiment, ce qui expliquait le succès de son « Guide » depuis plusieurs années déjà. Il recommandait des massages aux huiles parfumées, des infusions épicées, des encas sucrés et piquants à la fois, des bains aux plantes à partager en duo. Le couple qui se prêtait à ce jeu voyait forcément son intimité se renforcer ! Nulle sorcellerie là-dedans, si ce n’est celle des rouages de la psychologie humaine.
Les deux amoureux du moment avaient fini de feuilleter un exemplaire. La femme le garda serré contre elle au lieu de le reposer sur la pile : bingo, ils étaient convaincus ! Ils se penchaient à présent sur l’autre article mis en valeur à côté de leur futur livre de chevet : une grande panière où se pressaient des sachets de toile de trois tailles différentes. Un panonceau annonçait fièrement « Kits d’ingrédients pour le « Guide de l’amour » – 20 € pour 2 recettes – 50 € pour 6 recettes – 80 € pour 10 recettes ».
Ça, c’était la contribution personnelle du vieux boutiquier qui, comme l’auteur, n’était pas né de la dernière pluie – quoique, à y regarder de plus près, il n’était pas aussi vieux qu’il voulait bien en avoir l’air, dans son rôle de sage conseiller peut-être un peu sorcier sur les bords. Il n’avait pas dépassé de beaucoup la cinquantaine.
En surveillant le couple du coin de l’œil, il constata qu’une fois de plus, son plan fonctionnait parfaitement. Il était très content de sa trouvaille : depuis qu’il proposait ces « kits d’ingrédients » à côté de ce bouquin, le panier moyen de sa clientèle avait grimpé en flèche. Il paria avec lui-même que ces deux-là allaient opter pour la formule intermédiaire. C’était celle qui semblait la plus avantageuse « pour essayer », et c’était surtout celle qui lui rapportait la plus grosse marge. Et voilà, encore gagné ! L’homme et sa compagne soupesèrent les trois versions des sacs et gardèrent l’intermédiaire.
Après un bref conciliabule et un dernier regard autour d’eux, ils se dirigèrent vers la caisse avec un air encore un peu interrogateur. À lui de lever leurs derniers doutes pour finaliser la vente !
— Un très bon choix, Messieurs dames. Ce grimoire est un véritable best-seller, en tête des ventes depuis plus de cinq ans !
Cette annonce parut les rassurer. Cependant, un reste de méfiance poussa la femme à poser une question supplémentaire en désignant le sac de toile.
— Et par rapport aux ingrédients, pouvez-vous nous en dire plus ?
— Bien sûr, Madame ! Je les ai moi-même sélectionnés par rapport aux meilleures recettes du livre. Vous avez la liste complète sur l’étiquette, bien entendu. Tenez, laissez-moi vous montrer cet exemplaire.
Il saisit un autre sac qu’il gardait précieusement à côté de sa caisse enregistreuse, et dont il sortit plusieurs articles divers : une fiole d’huile et quelques sachets de taille différente.
— Comme vous pouvez le voir, chaque ingrédient est emballé séparément, avec son nom et ses principales propriétés. Ainsi, vous n’avez aucun risque de vous tromper au moment de réaliser vos recettes.
— Oh, c’est super, merci ! J’avoue que j’avais un peu peur de ne pas savoir ce que c’était exactement. Mais dites-moi, ces étiquettes sont vraiment magnifiques ! C’est vous qui les avez écrites ?
Le vendeur afficha un air faussement modeste.
— Vous avez l’œil, Madame ! Effectivement, j’écris moi-même toutes les étiquettes. C’est ma chère grand-mère – qu’elle repose en paix – qui m’a donné le goût de l’écriture, quand j’étais encore tout gamin. C’est un peu ma façon de lui rendre hommage, vous comprenez.
Il se frotta un œil pour en essuyer une humidité imaginaire. Son petit manège fit évidemment forte impression sur le couple.
— Oh oui, je comprends tout à fait. Votre grand-mère serait fière de vous, c’est sûr, car vous avez vraiment une écriture magnifique !
— Merci, Madame, vous êtes bien gentille.
Sa petite histoire bien rodée n’était pas tout à fait dénuée de fondement. C’est vrai qu’il avait eu une grand-mère qui surveillait ses devoirs quand il était petit garçon, et qui lui avait répété un millier de fois d’écrire plus lisiblement. En revanche, il devait sa magnifique écriture à des cours de calligraphie qu’il avait pris peu de temps après avoir ouvert sa boutique, car il avait très vite compris que ces arabesques correspondaient parfaitement à l’attente de sa clientèle. Ça faisait plus ésotérique, en quelque sorte. C’était l’un des grands secrets de son succès depuis tout ce temps : ne jamais mentir complètement à ses clients afin de ne pas les décevoir, mais ne pas se sentir obligé non plus de leur dire toute la vérité.
Sentant l’émotion qu’il avait fait naître chez ces deux-là, il décida de pousser son avantage avec une offre qu’il ne réservait qu’aux clients sympathiques et prometteurs ; il se gardait bien de la proposer aux chieurs, à moins qu’ils ne fassent vraiment beaucoup d’achats.
— Peut-être seriez-vous intéressés par ma carte de fidélité ? Elle est entièrement gratuite, bien sûr, et je ne vous demande aucune donnée personnelle !
Cette phrase-là, il l’avait ajoutée depuis la multiplication des annonceurs sur internet. Elle améliorait l’adhésion de ses clients qui en avaient assez d’être submergés de pubs, tout en renforçant son image de boutique à l’ancienne. Ce n’était en effet pas la modernité qu’ils venaient chercher chez lui, mais une expérience ancestrale.
— Vous voyez, c’est un simple morceau de carton – sur lequel j’ai écrit moi-même, là encore – avec dix cases. Pour chaque achat de plus de trente euros, je tamponne une case, et à la fin des dix cases, vous obtenez quinze pourcents de réduction sur toute la boutique. C’est garanti sans engagement et sans spam !
Il ponctua son discours d’un clin d’œil appuyé qui fit rire ses interlocuteurs. Ils prirent donc avec plaisir la fameuse carte de fidélité et réglèrent leurs achats avec le sourire. Le commerçant aguerri se félicita intérieurement. « Bravo, mon vieux, tu peux parier que ceux-là, tu vas les voir revenir ! »
Pendant que le couple se dirigeait vers la sortie, il jeta à nouveau un coup d’œil sur la femme qui était entrée depuis plusieurs minutes déjà. Elle paraissait toujours hypnotisée par sa vitrine de bijoux. Voilà une après-midi qui commençait bien ! Ce n’était pas toujours le cas en semaine, où il avait parfois des heures de creux pendant lesquelles il s’occupait à la création de ses fameuses étiquettes calligraphiées afin de ne pas trop s’ennuyer et, surtout, de ne pas laisser son esprit vagabonder vers certains moments de son passé qu’il préférait oublier.
Tout à coup, la touriste au chapeau sembla reprendre vie, le faisant presque sursauter par la soudaineté de ses gestes. Elle bondit derrière le couple qui venait de sortir de la boutique. Deux autres femmes étaient sur le point d’y entrer, mais elle leur bloqua le passage.
— Désolée, Mesdames, mais nous avons une urgence qui nous oblige à fermer pour le moment. Merci de revenir un peu plus tard.
Sans se préoccuper de leurs protestations, elle leur claqua la porte au nez, ferma le verrou et retourna l’affichette « Boutique ouverte, bienvenue » pour la transformer en « Boutique fermée, les horaires d’ouverture sont à votre droite ».
D’abord sidéré, le propriétaire des lieux retrouva très rapidement ses esprits. Il avait entendu parler d’une recrudescence des vols dans le quartier ; est-ce que son tour était arrivé ? Si tel était le cas, sa voleuse n’était pas très prudente de venir en plein jour, malgré ses lunettes et son chapeau ! Il y avait en effet des caméras de sécurité dans tous les coins de ce secteur commerçant de Nice.
Quoi qu’il en soit, il n’était pas très inquiet. Il veillait toujours à ne garder que quelques dizaines d’euros dans sa caisse. Le reste, il le glissait discrètement dans un tiroir secret de son comptoir, bien à l’abri de toutes les convoitises. De plus, la plupart des clients payaient avec leur carte bancaire. Il n’avait donc pas grand-chose à perdre, si ce n’est un peu de temps et de monnaie.
— Puis-je savoir ce que vous faites, Madame ? Je ne me rappelle pas vous avoir privatisé ma boutique.
Un peu d’humour cinglant ne faisait jamais de mal, et montrait qu’il n’avait pas peur.
En un clin d’œil, elle était devant lui, de l’autre côté du comptoir. Décidément, elle se déplaçait à une vitesse stupéfiante !
Mais son action suivante le sidéra davantage encore. Au lieu de le menacer pour un peu de monnaie, elle ôta son chapeau et ses lunettes, libérant successivement une crinière de boucles rousses et deux grands yeux verts rougis par les pleurs et cernés par la fatigue.
Cette femme… Non, ce n’était pas possible… L’avait-elle surpris en train de la surveiller discrètement, quelques jours auparavant, comme il l’avait promis à cet homme qui…
Sa voix un peu rauque interrompit ses pensées inquiètes.
— Je vous présente mes excuses pour mon irruption et mes mauvaises manières, Monsieur, mais vous êtes peut-être mon seul espoir.
Chapitre 2 : L'ange au bord du gouffre
— Tenez, buvez tant que c’est chaud. Ça va vous faire du bien.
La rouquine hocha machinalement la tête et murmura un « Merci » avant d’avaler à grandes gorgées le contenu parfumé et sucré de sa tasse fumante.
« Une infusion à cent degrés, et pas de grimace ni de brûlure ! C’est bien ce que je pensais. Cette fille-là n’est pas tout à fait normale… J’aurais dû m’en douter quand Agueil m’a supplié de garder secrètement un œil sur elle ! »
Le commerçant, soulagé puis intrigué par sa soudaine demande d’aide, mais aussi vaguement coupable de l’avoir espionnée à son insu, l’avait invitée à le suivre dans son arrière-boutique, où elle s’était assise – pour ne pas dire effondrée – devant un guéridon pendant qu’il lui préparait en vitesse ce breuvage de test.
Toute à sa préoccupation, elle avait à peine jeté un regard indifférent sur les murs de la pièce, qui n’étaient pourtant pas ordinaires. Ils étaient en effet intégralement recouverts de tiroirs aux dimensions diverses, dont le mystère était renforcé par l’absence d’étiquette révélatrice de leur contenu.
— Alors, que puis-je pour vous ?
— C’est-à-dire… Je suis venue ici sur un coup de tête, alors je ne sais même pas par où commencer !
— Peut-être pouvons-nous commencer par quelques présentations d’usage, il paraît que ça se fait. Hémon Vedmack, heureux propriétaire de la modeste boutique « La Magie secrète de la Côte d’Azur ».
— Vous avez raison, je me montre vraiment malpolie ! Je m’appelle Ember Beltaine, blogueuse et…
Elle hésita, puis releva crânement la tête.
— …et mercenaire du dark web aux pouvoirs spéciaux !
Un silence suivit cette déclaration fracassante. Hémon comprit que cette provocation était destinée à le tester à son tour. Son petit piège de l’eau bouillante n’était peut-être pas passé inaperçu, en définitive…
— Ravi de vous rencontrer, Ember Beltaine la mercenaire. Un bien joli nom, qui fait écho à une bien jolie fête aux célébrations enflammées, continua-t-il sur le même ton.
Il avait passé l’âge de s’avouer vaincu pour complaire à une jeune femme. C’était elle qui venait lui demander du secours ; elle allait donc devoir jouer selon ses règles à lui.
En fait, elle eut l’air d’apprécier sa réaction, car un petit sourire éclaira brièvement son visage triste. Cette passe d’armes orale parut même lui redonner de l’énergie et lui éclaircir les idées.
— Vous êtes peut-être vraiment celui que j’espère : un homme expérimenté en matière de dons spéciaux. Si vous acceptez de m’accorder un peu de votre temps, je vais vous raconter ce qui m’amène, avec assez de détails pour que vous puissiez juger de la situation.
— Je suis tout ouïe, assura-t-il aussitôt.
Cette Ember faisait plus que titiller sa curiosité. Après son irruption flamboyante dans sa boutique, mais aussi en raison de la surveillance demandée par Agueil, il était convaincu que son histoire valait le coup ; tant pis si ça lui faisait perdre un peu de temps et d’argent. En bonus, elle serait plus facile à chaperonner comme ça.
Le début de son récit remontait à un peu plus de cinq mois. Elle lui raconta brièvement son amitié fraternelle avec un adolescent nommé Willy, dont elle dépeignit si bien le sourire radieux que cela illumina presque la pièce.
Hélas, l’ambiance s’assombrit aussitôt quand elle décrivit le meurtre épouvantable dont il avait été victime, littéralement épluché vivant par un certain Darrel Siegel, plus connu dans le milieu de la pègre sous le surnom effrayant mais bien mérité d’Écorcheur.
L’esprit empli d’une fureur vengeresse, elle l’avait traqué et suivi jusqu’à Nice, où son quartier général de trafiquant de drogue et d’êtres humains se dissimulait sous l’avenante façade d’un luxueux palace.
Elle-même cachait ses agissements de justicière sous la couverture de son blog populaire et libertin. Elle avait donc loué un bureau dans un espace de coworking, où elle avait repéré deux autres locataires susceptibles de l’aider à se rapprocher de sa proie sans éveiller sa méfiance. L’un d’eux, Jareth, était devenu son ami en quelques semaines, tout comme une jeune femme qui utilisait ces locaux pour son activité d’autrice et illustratrice pour enfants. Séraphine…
À sa voix nouée quand elle prononça ce prénom, Hémon devina que c’était cette fameuse Séraphine qui était à l’origine de la présence d’Ember dans sa boutique.
Elle s’efforça de maîtriser son émotion pour poursuivre ses explications.
Grâce à ce qu’elle qualifiait de ses pouvoirs spéciaux, Ember était parvenue à convaincre un proche de Darrel Siegel de lui déballer tout ce qu’il savait sur les habitudes de son patron. Pour finir de mettre au point son plan d’attaque en prenant un minimum de risques, elle s’était arrangée pour visiter discrètement son hôtel cinq étoiles.
Hélas, Séraphine l’y avait suivie, et elle s’était fait prendre par deux fidèles acolytes de l’Écorcheur. Ember avait pu la libérer, mais son rusé adversaire avait profité de cette mésaventure pour identifier Séraphine et lui mettre la main dessus, afin d’obliger la rouquine à se montrer à découvert. La proie s’était transformée en prédateur…
Ember s’était lancée dans la bataille avec l’énergie du désespoir. Elle avait failli réussir à tirer Séraphine d’affaire, après avoir fait fuir un Siegel terrifié par sa nature inhumaine.
Malheureusement, tout avait basculé dans l’horreur. Un sbire lui avait tiré dessus et l’avait presque mortellement blessée à la tête ! Ember avait perdu le contrôle et, épouvanté de la voir sous sa forme monstrueuse, le type s’était suicidé.
Peu après, elle avait mis l’Écorcheur définitivement hors d’état de nuire, mais l’accomplissement de sa vengeance ne lui avait apporté aucun réconfort.
Tout ce qu’elle ressentait désormais, c’était l’angoisse insupportable de savoir que sa très chère amie Séraphine était suspendue entre la vie et la mort. Son grave traumatisme crânien l’avait plongée dans un profond coma, et la médecine humaine s’avouait impuissante à la guérir… D’où la supplication qu’Ember adressait à Hémon. Il était son dernier espoir !
Elle ajouta qu’elle avait entendu parler de lui par sa malheureuse amie. Celle-ci avait elle aussi une capacité extraordinaire : elle percevait les auras. D’après ses dires, celle d’Ember était remarquablement lumineuse et intense, phénomène qu’elle n’avait observé que deux autres fois dans sa vie : chez un homme inconnu qui était sans doute un touriste de passage, et chez le propriétaire de la boutique ésotérique.
Ce dernier fut sidéré d’apprendre que quelqu’un était capable de le repérer ainsi, mais il préféra éviter d’aborder ce sujet. Le moment n’était pas bien choisi pour se plaindre de ce genre de chose, alors que c’était un véritable drame qui tempêtait dans l’esprit de son interlocutrice.
Hémon n’avait pas une bienveillance particulièrement développée, mais il se méfiait des pouvoirs non identifiés de cette femme qui se qualifiait elle-même de mercenaire et qui était à l’origine de la chute d’un redoutable mafieux. Il avait lu cette histoire dans les journaux : ce Siegel s’était brusquement livré à la police en donnant au passage tous ses complices et ses plus gris clients, puis il s’était donné la mort dans sa cellule d’une manière atroce, en s’arrachant la peau avec un tesson de carrelage récupéré dans les douches de la prison. Et c’était cette Ember qui l’avait poussé à se suicider ainsi ! Le boutiquier n’avait donc aucune envie de la mettre en colère…
— Eh bien, Madame Beltaine, votre histoire est proprement stupéfiante. Je vous avoue que je ne suis pas sûr de pouvoir vous aider, votre amie et vous, mais je peux essayer.
— Oh, mille mercis, Monsieur Vedmack !
— Je ne vous garantis rien… répéta-t-il prudemment.
— Je comprends. J’imagine que vous souhaitez voir Séraphine pour étudier son cas ?
— Je ne sais pas si je l’aurais formulé ainsi, mais c’est l’idée, Madame Beltaine.
— Appelez-moi Ember, ce sera plus simple.
— Effectivement. Appelez-moi donc Hémon.
— Je suis consciente d’abuser, mais pouvons-nous aller tout de suite à la clinique ? Les horaires de visite finissent à dix-sept heures, et j’aimerais qu’elle ne reste pas dans cet état plus longtemps que nécessaire.
Hémon soupira intérieurement, pas à cause de cette visite hospitalière impromptue mais parce qu’il semblait que sa dangereuse « invitée » n’avait pas remarqué ses précautions oratoires à propos de sa capacité à l’aider…
— Allons-y, mais je vous rappelle que je ne suis sûr de vous être vraiment utile.
Elle se leva brusquement, le faisant sursauter et esquisser un mouvement de recul.
Mais là encore, elle parvint à le surprendre. Au lieu de manifester de la colère ou de la déception, elle lui adressa un clin d’œil.
— Ne vous inquiétez pas, Hémon. J’ai bien entendu et je n’ai accepté aucun contrat sur votre tête !
Il ne put s’empêcher de rire de lui-même.
— J’espère que vous ne me trouvez pas trop lâche, mais après le récit de vos exploits, je dois dire que je préfère rester prudent.
— Je ne peux pas vous le reprocher. Je pense que je réagirais comme vous si j’étais à votre place. Cela vous rassurera peut-être de savoir que je ne m’en prends jamais à quelqu’un sans une vraie bonne raison, et l’incapacité à guérir Séraphine n’en fait pas partie. Sinon, il ne resterait pas beaucoup de médecins dans le secteur !
Impossible de savoir si elle plaisantait ou pas. Dans le doute, Hémon opta pour un petit sourire, puis il la suivit bien sagement – pour le moment, en tout cas. Il se méfiait d’elle, certes, mais elle non plus ne connaissait pas tous ses pouvoirs spéciaux.
Quand ils arrivèrent à la clinique dans sa voiture – elle n’avait qu’une vieille moto qui ne lui avait pas inspiré plus confiance que sa propriétaire – Hémon ne put retenir un sifflotement.
— Eh bien, elle doit être d’une riche famille, votre amie. Je ne savais même pas que cette clinique privée existait en plein centre-ville, alors que j’habite Nice depuis plus de quarante ans !
— En fait, c’est moi qui m’occupe de son séjour ici. Beaucoup de gens avaient mis un contrat sur Darrel Siegel et aucun n’a rechigné à me payer après ce que je lui ai fait subir.
— Je vois…
— Je m’en fous du prix ou de l’apparence, mais c’est ici que travaille l’un des neurochirurgiens les plus réputés au monde, et je veux que Séraphine bénéficie des meilleurs soins.
— Vous tenez vraiment beaucoup à elle…
— Plus qu’à ma propre vie. De plus, c’est en partie à cause de mes mauvais choix qu’elle s’est fait tirer dessus, alors je lui dois au moins ça.
Ils entrèrent dans le bâtiment, dont le luxe ne ressemblait en rien à un hôpital classique. À l’exception des tenues du personnel médical, l’établissement faisait davantage penser à l’un de ces hôtels pour touristes fortunés qui s’égrenaient tout le long des plages les plus chics de la Côte d’Azur.
Ember se présenta à l’accueil, où une hôtesse la reconnut tout de suite et l’invita à entrer avec « son ami ». Cela évoqua à Hémon une réceptionniste aux petits soins pour une cliente habituée et pleine aux as, mais il garda ses réflexions pour lui.
C’est au rez-de-chaussée, au bout d’un couloir feutré et juste à côté d’un ravissant jardin intérieur où chantait doucement l’eau d’une fontaine, que se trouvait le Saint des Saints, ou plus simplement la chambre où reposait Séraphine.
En la découvrant, Hémon resta bouche bée. Ce n’était pas une jeune femme blonde inconsciente étendue dans un lit d’hôpital, mais un ange sublime plongé dans un sommeil divin. Outre sa beauté diaphane, il émanait d’elle une espèce d’aura irrésistible qui éveillait en lui d’étranges émotions, comme il n’en avait jamais ressenties depuis qu’il avait quitté sa terre natale. Se pourrait-il que cette Séraphine cache quelque chose de bien plus grand que sa nature humaine ? Non, impossible ! Comment une telle créature pourrait-elle vivre ici ?
Reprenant ses esprits à l’issue de cette vision fascinante, Hémon se dit plus prosaïquement qu’à la réflexion, il avait sûrement déjà croisé cette jeune femme. Mais oui, il la revoyait dans sa boutique ! Elle y venait de temps en temps pour acheter un petit article ou deux, souvent de l’encens si sa mémoire était bonne.
— C’est lui, le faible espoir dont tu m’as parlé ?
Tout à son émoi, Hémon n’avait même pas vu l’autre occupant de la pièce. Il devait être fameusement subjugué pour ne pas s’être aperçu de la présence de cette véritable montagne de muscles de deux mètres de haut ! Toutefois, le boutiquier devina qu’en dépit des apparences, ce gaillard aux évidentes origines africaines était bien moins redoutable que la rouquine qui était venue le débusquer dans sa tranquille routine. Son regard était empli de douceur, mais surtout d’angoisse. Cette Séraphine savait faire battre le cœur de ses proches ! Maintenant qu’il la contemplait, Hémon comprenait pourquoi ils étaient prêts à remuer ciel et terre pour elle. Lui-même, alors qu’il ne la connaissait pas, il avait très envie de voler à son secours.
— Oui, c’est lui. Je te présente Hémon Vedmack, qui tient la boutique ésotérique « La Magie secrète de la Côte d’Azur ».
— Oh, mais je connais, je passe devant quand j’ai des clients au port. Et tu crois vraiment que…
Le géant s’interrompit et afficha une mine désolée.
— Excusez-moi, Monsieur Vedmack, j’oublie les bonnes manières les plus élémentaires. Je suis Jareth Kobolte, photographe de mode.
Son nom ne dit rien à Hémon, qui ne s’intéressait pas du tout à la jet-set. D’ailleurs, quand une célébrité entrait dans sa boutique, il le remarquait uniquement grâce à l’attitude du reste de sa clientèle !
— Vous… Vous avez de vrais talents magiques, alors, comme Ember ?
Ah, voilà qui était plus intéressant. La rousse avait dévoilé ses pouvoirs à ce type, qui n’était pour sa part qu’un simple humain. Tant mieux, ça commençait à faire trop de magie dans l’air, trop de souvenirs de ce lieu où il avait passé son enfance avec… Ah, ça suffisait avec ces vieilleries ! Hémon se concentra sur l’instant présent, en se récitant mentalement son mantra préféré. « Hier n’existe plus et ne peut pas m’atteindre. Demain n’existe pas encore et ne peut pas m’atteindre. Aujourd’hui seul existe et m’emporte dans son flot infini. »
— J’ai quelques talents en effet, Monsieur Kobolte, mais j’ignore s’ils seront utiles en ces circonstances. Cependant, votre amie s’est montrée tellement convaincante que je suis venu voir par moi-même si je peux être d’un quelconque secours.
— Ember, tu ne l’as pas menacé, quand même ?
— Bien sûr que non, idiot ! Je ne suis quand même pas une brute.
— Tu sais bien ce que je veux dire. Quand il est question de Séraphine, tu as tendance à perdre ton sang-froid…
— Seulement envers ceux qui lui font du mal, c’est tout.
— Oui, c’est vrai, pardonne-moi, je suis fatigué et ça me fait dire n’importe quoi…
Hémon regarda mieux les deux amis. C’est vrai que leur air piteux n’était pas dû qu’à leur tristesse. Leurs cernes profonds et leurs traits tirés trahissaient un état d’épuisement avancé. Avaient-ils seulement dormi depuis que l’exquise Séraphine gisait sans connaissance ?
— Bien, dit-il en se raclant un peu la gorge. Et si j’examinais votre amie ? Après tout, je suis là pour ça.
— Bien sûr, allez-y, Hémon. Merci de votre gentillesse.
Ces paroles lui firent un drôle d’effet. Ce n’était pas souvent que quelqu’un lui faisait un compliment sur autre chose que ses belles étiquettes calligraphiées.
Sous les regards scrutateurs d’Ember et de Jareth, il s’approcha de la malheureuse et lui prit délicatement la main, puis il ferma les yeux. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas fait appel à cette part de lui. Bizarrement, elle s’agita aussitôt en lui, comme si quelque chose l’avait tirée de sa torpeur habituelle. Cela lui demandait généralement beaucoup d’efforts mais là, les dons hérités de sa mère se mirent à couler dans ses veines comme si c’était tout naturel. Encore une sensation qui lui rappela son enfance…
Il chassa cette pensée et orienta de son mieux son esprit sur la femme dont il tenait précautionneusement la main fine. En même temps, il fouillait sa mémoire pour en extirper toutes les notions de guérison qu’il avait apprises au fil du temps et de ses lectures de grimoires qu’il ne mettait pas en vente dans sa boutique. De telles connaissances étaient toujours utiles quand on manipulait certains ingrédients ou qu’on se livrait à certaines activités que les humains normaux ne voyaient pas d’un bon œil.
Il s’acharna. Dix minutes s’écoulèrent, puis quinze, puis vingt, pendant lesquelles les deux amis n’osèrent pas l’interrompre. Ils faisaient même attention à ne pas respirer trop fort pour ne pas risquer de le déranger.
Enfin, Hémon rouvrit les yeux et reposa à regret la petite main inerte sur les draps à peine plus blancs qu’elle.
Il passa sa propre main sur son front, pris d’un léger vertige après un tel déploiement d’énergie mentale. Ce symptôme n’était apparemment pas inconnu d’Ember, car elle sortit un tube d’aspirine de son sac et le lui tendit.
— Tenez, ce sont des comprimés pratiques qui se prennent sans eau.
— Merci.
Il en croqua deux avec reconnaissance. Pratiquer ces techniques ancestrales ici, sur cette Terre vidée de son antique substance soi-disant surnaturelle, c’était toujours difficile et douloureux. Rien à voir avec…
Il secoua la tête résolument. Peste, ses souvenirs étaient particulièrement tenaces aujourd’hui ! Pas vraiment étonnant, cela dit. Ce n’était pas tous les jours qu’il avait l’occasion de se confronter à autre chose que la pseudo-magie qu’il vendait.
Il était temps de faire son rapport. Cela allait avoir des implications qu’il n’était pas certain de bien mesurer, mais il se sentait incapable de mentir. Était-ce dû à l’influence subtile de Séraphine ?
— Croyez bien que j’en suis désolé, mais l’état de santé de votre amie est bien au-delà de mes capacités de guérison.
Des larmes montèrent aux yeux des occupants de la chambre.
— Cependant, j’ai une autre piste à vous proposer. Dangereuse, incertaine, mais bien réelle.